Qu'avons-nous à apprendre de la pensée chinoise ?

Pays et régions

Based on Hesna Cailliau's book "The Goldfish Paradox" and on his personal experience, Jean-Daniel Tordjman reveals with talent what Chinese thought teaches us.

Qu'avons-nous à apprendre de la pensée chinoise ?

Après l’Esprit des Religions, Hesna Cailliau nous interpelle à nouveau avec la publication du livre Le paradoxe du poisson rouge – Une voie chinoise pour réussir, Éditions saint-Simon 2015.

Léger par sa taille – 140 pages agréables à lire – cet ouvrage subtil et profond s’impose immédiatement par son ouverture sur le monde, son talent pour remettre en cause avec doigté et modestie nos certitudes établies, sa connaissance intime de l’essentiel de l’autre grande civilisation, celle de la Chine, et sa conviction que les pensées opposées peuvent être complémentaires.

Ayant parcouru la Chine et l’Asie en tous sens depuis 40 ans, mené plus de 60 missions dans les différents pays et négocié avec les Dirigeants Chinois, Taïwanais, Singapouriens, Japonais et Coréens, pays dont je suis Ambassadeur Honoraire, j’ai le sentiment que ce livre permet d’aborder ces mondes avec un esprit neuf, mais aussi qu’il ouvre, dans nos vies personnelles et professionnelles, de multiples clés pour voir autrement les situations et les partenaires, pour dégager la voie vers des solutions ou notre propre développement personnel.

Réveiller le Chinois qui sommeille en nous

Notre Civilisation occidentale, assise sur ses deux fondements, judéo-chrétiens et gréco-latins, est d’une profondeur et d’une richesse incomparables et ceux qui nous proposent, par mépris ou par haine de l’Occident, de « changer de Civilisation » d’abandonner ses valeurs, ses libertés ou sa démocratie, font fausse route ou sont mus par une volonté de domination.

A nous tous, cette approche intelligente et subtile peut beaucoup apporter. Il ne s’agit pas de devenir chinois, « mais de réveiller le Chinois qui sommeille en nous », de nous offrir de nouvelles grilles de lecture de la vie et de méthode pour penser. Ce n’est ni l’abandon de notre civilisation, ni le remplacement ou la soumission à une idéologie, quelle qu’elle soit qui nous sont proposés mais une réflexion sur nous-mêmes, un enrichissement personnel et collectif sur l’essentiel.

Rester ouvert à tous les possibles

« Celui qui ne sait pas, voit toujours des forces opposées et contraires. Celui qui sait, voit dans les aspects contradictoires, des complémentarités nécessaires ». La pensée chinoise désarçonne les Occidentaux dans leurs certitudes rationalistes ou marxisantes : « Être sans idées pour rester ouvert à tous les possibles ».

Celui qui ne parle pas perçoit

Avec humour, elle interpelle fondamentalement les Prophéties bibliques,  la Rhétorique grecque ou les orateurs romains, « celui qui ne parle pas perçoit, celui qui parle ne perçoit pas » et « il faut deux ans pour apprendre à parler et toute une vie pour apprendre à se taire ». La leçon est rude pour ceux dont la profession est de démontrer, de négocier et de parler. Mais on peut apprendre à tout âge !

Il n’y a pas de philosophe en Chine mais seulement des sages : « Il ne faut pas se laisser prendre dans le filet des mots qui emprisonne la pensée ». Quand on pense à la place qu’ont jouée en France les élucubrations de Sartre sur le communisme, le maoïsme, l’existentialisme, l’humanisme : des mots, des mots, des mots.

En Chine, « Un chien n’est pas estimé parce qu’il aboie bien. Un homme n’est pas tenu pour sage parce qu’il parle habilement ». Nous avons tous à en prendre pour notre graine.

Le chemin se trace en marchant

Alors que, depuis Sénèque, nous sommes convaincus que « Il n’est nul vent favorable pour celui qui n’a pas de but », les Chinois nous disent « Le chemin se trace en marchant » et « Ne fixe pas ton esprit sur un but exclusif, tu serais estropié pour marcher dans la vie ».

Souplesse, adaptabilité, connaissance du terrain et adaptation au terrain sont des règles presque impossibles à suivre dans notre environnement hyper-règlementé qu’il nous faut massivement alléger. Dans la vie publique, au moment où nous faisons face à une logorrhée législative, à un déluge règlementaire, à un déchaînement fiscal, Confucius nous dit : « Gouverne le mieux celui qui gouverne le moins » et Lao-Tseu « Plus on voit fleurir lois et règlements, plus on récolte voleurs et brigands – Un pays est sur le déclin quand il multiplie les lois ». Ces pensées chinoises devraient être enseignées dans les deux Assemblées comme dans les Cabinets ministériels ou à l’ENA. En effet « Le poisson pourrit par la tête».

Le futur est dans le présent à l’état de germe

J’ai toujours été frappé par la réaction des Cambodgiens face au génocide dont ils ont été victimes, au lieu de juger les responsables encore vivants, construire des mémoriaux ou se lamenter sur ce génocide, ils nous disent : « Il faut tourner la page pour retrouver l’harmonie sociale – Le passé est mort, le présent vivant -». Le ruminement sans fin sur le passé empêche de remordre à la vie.

Loin des « lendemains qui chantent » de « l’avenir radieux » qui ont fait tant de mal, en Chine comme ailleurs, les Chinois nous proposent de nous concentrer sur le futur immédiat : « Le futur est dans le présent à l’état de germe. Celui qui est attentif au germe plus qu’au terme ne connaîtra pas d’échec » et donc capter les signaux faibles de changement.

Les Dirigeants de Kodak auraient bien fait d’y être attentifs. C’est indispensable dans le business comme dans l’action publique : « Il faut surfer avec la vague » et donc la percevoir avant même qu’elle ne soit visible. « Il faut dissoudre les problèmes et non les résoudre – Gagner sans faire la guerre – Laisser toujours une porte de sortie à l’adversaire ». C’est la stratégie du Chat qui sait attendre et saisir l’occasion.

Apprendre à se mouvoir avec aisance dans l’incertitude

Loin de moi l’idée que les Chinois ont raison sur tout, mais il faut « apprendre à se mouvoir avec aisance dans l’incertitude ». Or, nous vivons dans un monde incertain, avec des menaces considérables, où certains nous prédisent déjà une Troisième Guerre Mondiale. « La source de tous nos problèmes est que nous donnons une valeur absolue à ce qui est relatif ». « Celui qui sait ce qui est bon pour les autres est un être dangereux ». Il faut traduire d’urgence le paradoxe du poisson rouge en arabe et en persan. Heureusement, Lao Tseu nous dit :

  • « C’est au moment où l’on a des certitudes que l’on perd la guerre. »
  • « A chaque rire, on a un an de moins. »
  • « Le pessimisme est un laisser-aller. Il faut vouloir être heureux. »
  • « Si tu es serein, tu peux surfer sur la vague. Si tu as peur, elle t’engloutira. »

Sagesse et poésie

Vous voyez par ces quelques réflexions et citations l’immense richesse de cet ouvrage qu’il faut lire à petites gorgées, comme on apprécie un très grand vin.

Les Sages chinois sont aussi Maîtres en poésie. Et comme le culte des ancêtres est un des fondements de leur sagesse, permettez-moi, pour terminer de citer un poème de mon père, Jules Tordjman :

 

« Il importe moins de cueillir l’orange que d’admirer l’arbre

Replie tes mains, contiens ta soif et regarde

Là où rit l’oranger se sont plantées les dents du soleil »

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